Actualités de l'institut d'anthropologie clinique

Bernard Garaut - 21 juillet 2023

Debout sur le vent #7 – Nouages

Les récits multiples entendus, partagés, générés, l’effet sur mon propre chaos de ce Dit tumultueux d’un autre,
la douloureuse beauté de leur langue singulière et le télescopage quasi permanent de nos imaginaires…

Le trouble éprouvé alors …quels recours !
La littérature, dans toutes ses formes et contenus, l’écriture, et surtout la poésie
le sont devenus.
D’abord sans le savoir.
Jusqu’à ce qu’alors je le décide.
Croiser dans un même élan,
les récits de vie,
les temps d’existence partagé-e-s
la poésie,
et l’élaboration avec tous les modes que m offraient tous ces éléments.
Tenter chaque fois de faire de l’inextricable, de l’incompréhensible, une façon
d’Etre ensemble. Là. Dans l’existence.

« …Humaniser la folie,

Désaliéner les lieux de soins… » claironnait  François Tosquelles !

——————————————————————————————-

NOUAGES

Renouer avec… « la sublime lenteur de la main
inspirée, ravisseuse », écrit René Char.

La main sur l’épaule
La main dans la main
« Donne-moi ta main et prends la mienne »
Mettre. Prendre. Donner. Ouvrir. Serrer.
Hautes les mains !
Une injonction, une envie, un choix, …un recours ?

Lui. Ne sait pas. Mais.
Dès les premiers pas, sa main est dans la sienne.
Celle qui sent la ferraille, le tabac.
La même qui joue du piano « et à l’oreille ! » dit-il toujours.

Le père et le fils s’en vont au stade de rugby.
Une traversée …de la ville.
Épopée rituelle hebdomadaire du dimanche 15h.
Faut arriver tôt.
Pour voir le match d’ouverture.
Choisir la bonne place…
« Derrière les poteaux ! »
C’est la meilleure place.

Cette aventure scande la vie de l’enfant. Du père.
C’est un mano à mano.

L’arrivée au stade obscurcit cet instant.
Lui. Déjà étreint par l’à venir.
Accolades, chahut, éclats de rire…entre eux. Collègues !

Lui regarde les autres enfants. En bande.
Qui jouent, sautent, rient, courent, …entre eux.

Le père a le billet. Un seul. Le sien.
« Reste là, viens » me colle à lui -un regard au guichetier- « C’est mon fils »
« Passe, passe » dit le gonze au passage.

Sera-ce une conspiration ?!…

Ouf, ça a marché !
Même pas arrêtés, empêchés, séparés
La peur inutile se dissipe.
Mais rester là, à sa main, dans le souffle.

Toute sa vie, à chaque entrée dans un stade, avec ses enfants ou quiconque, cette légère crispation…
et cette scène qui réapparait. Briève. Simple. Furtive.
Mais tout de même là, à son insu, comme une fulgurance.

Encore une fois, témoin de cette effraction possible que produit le langage… et que quand on parle on ne sait pas toujours ce qu’on dit.

Peut-être que raconter une histoire, c’est parler pour dire quelque chose de caché…

BG

« … On n’entre pas aisément dans l’intimité des apparitions passées.
Ce que nous ignorions, à la contempler dans ces jours de sa petite enfance, c’est que nos larmes un jour reviendraient.
…Que les qualités de ce qu’on aime nourrissent en secret des chagrins, on l’ignore presque toujours.
On ne veut pas le voir. »

Pierre Jourde (Pays perdu)

 

Du rap à l’IAC #6 : ARM